L’Oreille Cassée

L’Oreille Cassée

Pays:   FRANCE

Type:   Faïencerie

Cette semaine direction une ancienne manufacture de céramique, abandonnée depuis plus de trente ans et au passé historique particulièrement intéressant !

De la poterie…

En activité dès la moitié du XIXe siècle, elle confectionne à l’origine des objets en terre cuite pour la maison, comme de la vaisselle, des pots et des vases, mais également divers produits pour la construction: briques, tuiles carreaux. L’argile (rouge, blanche et grise) est à cette époque acheminée des gisements voisins par camion sous forme de pains, puis tamisée, pétrie, coulée dans des moules en plâtre, chauffée à près de 1000 degrés plusieurs heures durant avant d’adopter enfin sa forme solide finale, prête à la vente !

… à la faïencerie…

Elle monte en gamme au lendemain de la Grande Guerre en se lançant dans la création de pièces de faïence : les objets en terre cuite fraîchement terminés sont aussitôt plongés dans un bain d’émail (à base d’étain), peints, décorés, puis cuits à nouveau. Vitrifiés, leur aspect final est alors plus brillant, moins poreux, et plus élégant qu’à l’origine ! Du simple objet pratique, la poterie (devenue dès lors faïencerie) se met alors à développer une large gamme d’objets décoratifs, et notamment religieux, comme des statuettes, des devantures de tombes ou des décorations murales. Elle se spécialise par la suite dans les souvenirs en céramique, très lucratifs à l’époque, et destinés aux villes touristiques du bord de mer. Cendriers, cafetières, figurines : il y en a pour tous les goûts !

… puis à la porcelaine

Pendant les Trente Glorieuses, elle se lance à son tour, à l’instar des Manufactures de Sèvres et de Limoges, dans l’aventure de la porcelaine, en proposant des pièces hauts-de-gamme et de qualité…mais aussi très chères ! En effet contrairement à la terre cuite, au grès et à la faïence, l’une des particularités de la porcelaine est l’argile utilisée pour la confectionner : le kaolin, une ressource à l’époque rare et chère, dont l’unique gisement français, découvert en 1768, se situe à proximité de Limoges. Notre fabrique de céramique doit donc faire venir du kaolin depuis la Haute-Vienne, pour ensuite le transformer en porcelaine, en suivant pratiquement le même processus de fabrication que celui de la faïence, fastidieux !

Ces perpétuelles évolutions et transformations lui permettent de prospérer au fil des années et de tenir bon pendant les guerres et les nombreuses crises économiques ! Mais affaiblie pas l’arrivée de nouveaux acteurs qui font de l’industrialisation de la production leur argument de prédilection, elle croule rapidement sous les charges sociales et les insuffisances d’actifs, faute d’une activité dynamique. Des projets plein la tête, elle est contrainte de mettre la clé sous la porte à la fin des années 80, et avec elle plusieurs dizaines de salariés.

Aujourd’hui, 30 ans après, les choses n’ont pas l’air d’avoir beaucoup évolué depuis sa fermeture. Les moules en plâtre sont tous encore soigneusement numérotés et ordonnés dans les ateliers, les fours toujours alignés dans la salle des machines, et des centaines d’objets en terre cuite, faïence, et porcelaine font déborder les étagères, les plans de travail et les rayonnages déjà pleins.

Beaucoup sont prêts à l’emploi et n’attendent que d’être vendus, tandis que d’autres n’ont même pas encore été ni cuits ni vitrifiés ! On jurerait presque s’être introduits sans autorisation dans un site encore en activité.

Pourtant, il n’en est rien. Les installations accusent le poids des années, la poussière a élu domicile dans toutes les pièces, et la paperasse date du siècle dernier.

Alors, la prochaine fois que vous vous rendrez chez un antiquaire, ouvrez-bien les yeux, il se peut que l’objet en céramique que vous tiendrez entre les mains provienne de notre déchue mais jadis populaire manufacture !

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